L’ancrage spatial comme indicateur du type d’assujettissement en Crète aux époques classique et hellénistique

Adam Pałuchowski (Université de Wrocław)

Le rapport à l’espace, tel qu’il se dégage, en premier lieu, du matériel épigraphique, paraît poser une distinction entre les deux types fondamentaux d’assujettissement dans les cités crétoises aux époques classique et hellénistique, à entendre entre le servage et l’esclavage. La bien connue multitude des désignations de diverses anciennes catégories des populations dépendantes en Crète (aphamiotes, clarotes, mnoia, hypekooi, hypoikoi/hypooikoi, oiketeia, etc.) prête souvent à confusion. Néanmoins, l’examen des sources épigraphiques disponibles permet de cerner une particularité commune à toutes ces catégories, qui les distingue, peu ou prou, de l’esclavage-marchandise – pour ainsi dire, une espèce d’ancrage spatial, défini avec plus ou moins de précision, avec plus ou moins de détails topographiques. On se donnera donc pour objectif premier de démontrer, sur quelques exemples épigraphiques et, dans une moindre proportion, littéraires choisis, le passage de l’insertion spatiale des populations dépendantes de type traditionnel au “flou” spatial caractérisant la servitude de type nouveau, c’est-à-dire l’esclavage-marchandise dont l’essor est lié à la progression de la concentration foncière dans l’île à l’époque hellénistique (témoignages épigraphiques : A. Chaniotis, Die Verträge…, C I.2 n° 18 = ICret I.16 1 avec proposition de nouvelles restitutions du texte ; C I.2 n° 37 = ICret I.16 17 ; C I.2 n° 38 ; C I.3 n° 59 ; C I.3 n° 61A, etc. ; témoignages littéraires : Dosiad.Hist. FGrH 458 F2 ; Ephor. FGrH 70 F29 ; Kallistratos FGrH 348 F4, etc.). Tandis que l’ancrage spatial des serfs crétois, abordés régulièrement au sens collectif, peut se traduire, à titre d’exemple, par une certaine intégration juridique à la communauté civique (la Loi de Gortyne ; A. Chaniotis, Die Verträge…, C I.2 n° 18 = ICret I.16 1), le statut d’esclave abandonnerait l’individu à une “déspatialisation”, marque de l’ultime dégradation sur le plan social.